Ajouts des carnets

15 avril1943

Je pense à la naissance en toi de l'amour.

L'amitié nous l'avons connue, et nous n'étions pas de grands types.

Quand la plaine monte jusqu'à l'horizon comme une mer.

Oh ! Ces étendues vert aigu, avec la tache jaune des colzas.

Le printemps posait aux bouleaux une flottante robe, une gorge vert pâle. Elle reposait sur les branches dont elle n'épousait pas la forme comme une … transparente.

Toutes ces fleurs que pour toi j'ai cueillies, c'est de l'amour.

L'amour qu'au printemps...

Pris dans l'élément végétal.

Promenades du soir au bois de Boulogne. Le printemps est venu d'un jour à l'autre, si …, à peine, en avant-coureur, des violettes et des primevères, et c'est l'effusion des feuillages, verts, aigus, transparents, mêlés et gonflés de soleil, nourris d'or, une subite profusion bruissante.

L'air est si doux, comme un bain qui détend les nerfs, et puis ces nappes de parfums, on ne sait d'où venues et qu'une bise tiède roule.

Même aux confins les plus extrêmes de la douleur, ne sentions-nous pas la joie de ce printemps excessif – c'est un doux enfant tyrannique. Il règne, il ombre d'azur les lointains de Paris, où flottent, éclatants d'or, des dômes, des coupoles, des tours.

Le Trocadéro, sa vue, on dirait un Corot de la période italienne.

 

23 avril 43

Il faut que je te parle de son amour.

Est-il plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis, vois le.

Cette Pâque que j'ai désirée d'un grand désir.

De tout temps il a attendu cette minute où lui et toi vous mangerez cette Pâque eucharistique.

 

5 septembre 44

Ne crois pas trop à la politique. Cette phrase devrait être inscrite au fronton de tous nos monuments qu'il n'y a pas de vérité en politique. Aussi juste que soit ta position celle de ton adversaire comporte une part de vérité, et toi-même, autour de ta vérité, quelle marge d'erreur !

Nous mourons de ne pas l'avoir compris. Nous mourons de n'avoir pas compris que tous les Gouvernements sont mauvais et tous les régimes abjects. Un régime vaut pour cinquante ans. Au bout de trente ans on en a découvert les ficelles. Il est pourri. Vingt ans encore, il faut qu'il croule.

Monarchie, démocratie, dictature,... ces mensonges. Tous les gouvernements sont démocratiques. On ne gouverne pas plus de trois ans contre l'opinion générale.

On ne devrait faire de politique qu'entièrement désabusé. Les passions abandonnées comme des vêtement trop étroits, et sans ambition personnelle (mais est-ce possible ?), alors peut-être verrait-on clair.

Les hommes politiques devraient périodiquement faire retraite au bord de la mer ou dans la montagne. Ils y comprendraient la vanité de leur jeu. Qu'ils regardent les enfants sur la plage, leur château de sable n'est pas plus fragile que les leurs. Il est moins vain : les enfants tout un jour s'y sont distraits.

Ils devraient méditer sur la mort aussi.

Alors, ils auraient la sérénité nécessaire pour servir efficacement leur pays. Froids, lucides, ils frapperaient juste. Mais de tels hommes les verrons-nous jamais ?

On devrait aborder la politique comme le cloître, entièrement donné. Être  ministre des hommes est le plus haut sacerdoce après celui de Dieu. Mais de tels hommes en connaîtrons-nous. En seras-tu, mon fils ? Mesure cette grâce, et ce service, et ce don. Estime ta force. Et si tu en es assez sûr, ah ! Lance toi. Nous t'attendons, nous t'appelons. Si tu es assez pur, assez maître de toi, assez libre des vains credo, tu sauveras la France.